Horizom culture durable
8 min
12/6/2025

Bambou allié ou menace pour la biodiversité en France ?

Écrit par :
Dimitri Guyot
Co-fondateur et Directeur Technique

Sommaire

Bambou sauvage, de jardin ou cultivé : quelles différences ?
Sur quels aspects évaluer l’impact du bambou sur la biodiversité ?
Changement d’utilisation des sols : l’impact du bambou par rapport à d’autres cultures
Exploitation des ressources naturelles et culture du bambou

Bambou sauvage, de jardin ou cultivé : quelles différences ?

La question d’impact sur la biodiversité est complexe, et doit être abordée en définissant un cadre d’analyse précis. En s’intéressant aux grandes causes majeures d’érosion de la biodiversité, cet article explique comment la culture du bambou en agroécologie et sur terres agricoles offre des bénéfices concrets comparativement à la plupart des cultures.

Tout d’abord, avant d'évaluer l'impact du bambou sur la biodiversité, il est essentiel de savoir quelle situation l'on considère :

  • Le bambou sauvage, qui pousse sans intervention humaine, et constitue un écosystème à part entière répandu sur des millions d’hectares, notamment en Asie et en Amérique du Sud. Il accueille une biodiversité importante, tant au niveau des sols qu'en surface. Les surfaces de bambou “sauvage” sont anecdotiques en France, et nous verrons qu’elles ne constituent pas de menace sur la biodiversité.

  • Le bambou d'ornement, planté dans les jardins, est souvent choisi pour son esthétique. Il peut parfois devenir difficile à entretenir pour les particuliers, surtout lors de plantations en limite de propriété. Ces difficultés ont largement contribué à donner une mauvaise image au bambou, bien que dans ce contexte ornemental il ne représente pas de menace particulière pour la biodiversité.

  • Le bambou cultivé, selon des pratiques encadrées, sur des parcelles agricoles. Nous verrons que si la culture apporte des avantages environnementaux indéniables, son impact sur la biodiversité peut varier selon la situation de référence considérée.

Sur quels aspects évaluer l’impact du bambou sur la biodiversité ?

Cinq menaces majeures pesant sur la biodiversité ont été identifiées. Elles résultent toutes de l’activité humaine et ont été classées par ordre d’impact :

  1. les changements d’utilisation du sol (destruction des habitats)
  2. l’exploitation directe de ressources naturelles (chasse, pêche, bois, etc.)
  3. la pollution (des sols, de l’air, de l’eau, lumineuse, sonore)
  4. le changement climatique
  5. les espèces invasives

La question à poser est donc la suivante : quels sont les impacts de la culture du bambou sur ces différents points ?

Pour y répondre il est nécessaire d’adopter une vision à la fois locale et globale. Par exemple, implanter une éolienne nécessite d’artificialiser du sol, de fabriquer des matériaux, etc. Pourtant, développer les énergies renouvelables est essentiel. C’est donc l’ensemble de la filière qui doit être considéré.

Changement d’utilisation des sols : l’impact du bambou par rapport à d’autres cultures

Le changement d’utilisation des sols - comme la conversion de forêts, prairies ou zones humides en terres agricoles, urbaines ou industrielles - est la première cause d’érosion de la biodiversité mondiale.

Cela pose une question centrale pour l’évaluation de l’impact de la culture du bambou sur la biodiversité :

Que remplace-t-on ? Quel était l’usage des terres sur lesquelles nous cultivons du bambou ?

L’importance de la situation de référence

En effet, sans état initial, toute affirmation sur un "effet positif" ou "négatif" reste subjective ou spéculative. Fixer une situation de référence est donc absolument essentiel pour évaluer l'impact du bambou sur la biodiversité.

Nous cultivons du bambou exclusivement sur des terres agricoles, déjà fortement impactées par l’activité humaine. Selon les projets, nous pouvons être amenés à remplacer des grandes cultures, de l’arboriculture, de la viticulture, ou encore de l’élevage. Nous ne remplaçons jamais des forêts, des zones humides, ou toute autre zone particulièrement riche en biodiversité.

L’importance de l’itinéraire technique

Pour évaluer l’impact du bambou sur la biodiversité, il est également fondamental de préciser l’itinéraire technique retenu pour sa culture, car chaque choix agronomique modifie les conditions écologiques du milieu et influence directement les communautés d’organismes vivants (sol, faune, flore, pollinisateurs, etc.).

Remplacer une parcelle qui a connu 30 ans de maïs en conventionnel n’aura évidemment pas le même effet que de remplacer une prairie en pâturage tournant dynamique bio…

La question n’est donc plus : “la culture du bambou est-elle bonne pour la biodiversité ?“

Mais plutôt : “quel est l’impact sur la biodiversité si je remplace une parcelle de grandes cultures en conventionnel en rotation blé / orge/ colza par une culture du bambou gérée par Horizom ?”

Quels avantages concrets par rapport à d’autres cultures

Comparativement à des cultures classiques, la culture du bambou pratiquée par Horizom peut avoir un impact positif, en particulier en ce qui concerne la restauration d’habitats naturels :

1. Restaurer des sols dégradés : Les sols abritent 25 %[1] de la biodiversité mondiale connue. C’est un monde vivant qu’on ne voit pas, mais qui est essentiel à notre planète. Cette richesse souterraine est essentielle au fonctionnement des écosystèmes, à la fertilité des terres et à la régulation du climat. Une fois en place, le bambou ne demande pas de travail du sol, et il fait des merveilles ! Ses racines denses abritent toute une faune souterraine, et ses feuilles tombées enrichissent naturellement le sol en carbone.

Gauche : prélèvement de sol dans une bambousaie française. Milieu : litière issue de la bambousaie en décomposition par les champignons. Droite : test bêche, on distingue bien la strate supérieure riche en matière organique qui s’est ajoutée au sol (sableux) initial suite à la croissance de la bambousaie.

2. Couverture végétale permanente : Nous travaillons avec des couverts végétaux les 3/4 premières années, lorsque le bambou ne recouvre pas encore intégralement la parcelle. Le tour de champ n’est pas cultivé sur une largeur d’environ 3 m et constitue une bande enherbée fauchée 3 fois par an. Sur certains projets, notamment notre bambouseraie dans l'Indre, nous replantons également des haies.

Nous récoltons par bande 30 % de la surface chaque année, permettent de maintenir une couverture végétale permanente sur 70 % de la parcelle, et donc un habitat stable.

Une bambouseraie bien gérée offre donc un refuge à de nombreuses espèces : insectes, oiseaux, petits mammifères qui y trouvent refuge tout au long de l’année notamment pendant les périodes sensibles comme la nidification ou l’hiver, où la plupart des parcelles agricoles sont nues.

Exploitation des ressources naturelles et culture du bambou

L’exploitation des ressources naturelles (forêts, poissons, eau, sols, minerais) exerce une pression directe sur les espèces et leurs habitats. La surexploitation, comme la surpêche ou la coupe intensive de bois, réduit les populations animales et végétales au-delà de leur capacité de renouvellement. Certaines pratiques entraînent aussi une dégradation des écosystèmes (érosion des sols, turbidité des eaux). Cette pression est la deuxième cause majeure d’érosion de la biodiversité à l’échelle mondiale.

La culture du bambou peut participer à y remédier de plusieurs manières :

  1. Substitution aux ressources fossiles : le bambou produit rapidement une biomasse abondante et renouvelable, utilisable comme matériau ou source d’énergie. Il peut ainsi remplacer des ressources fossiles (pétrole, gaz, charbon, autres minerais ou métaux) dont l’extraction est très polluante et destructrice d’écosystèmes (extraction minière, forages, émissions de CO₂).
  2. Réduction de la pression sur les forêts naturelles : en fournissant une biomasse lignocellulosique compétitive (bois d’œuvre, pâte à papier, panneaux, bioplastiques…), le bambou cultivé sur terres agricoles peut diminuer la déforestation liée à la demande en bois. Cela évite l’exploitation illégale ou intensive des forêts primaires, refuges majeurs de biodiversité.
  3. Utilisation de terres agricoles et non forestières : contrairement aux plantations boisées installées en remplacement de forêts, le bambou peut être implanté sur des terres agricoles, évitant ainsi l’artificialisation de nouveaux espaces naturels.